mardi 10 novembre 2020

La grâce : perfection et antériorité

  



L’évangélisme de notre époque le sait très peu. Alors il convient de le préciser : la réforme qui a donné officiellement naissance aux églises Protestantes (prises dans leur grand ensemble : luthériennes, calvinistes, reformées, méthodistes, évangéliques, pentecôtistes, charismatiques, néo charismatiques etc..) était basée sur cinq grands principes. Ils sont désignés par les cinq solas : sola scriptura (seules les Ecritures), sola gracia (seule la grâce), sola fide (seule la foi), solus Christus (Seul Jésus-Christ), soli Deo gloria (Seule la gloire de Dieu). Ces principes cardinaux ont fondé la démarche de formulation de la foi des Protestants de sorte que toute leur vie chrétienne se construisit atour et uniquement autour de l’œuvre salvatrice de Jésus-Christ. Martin Luther qui initia la réforme en 1517 était lui-même épuisé de faire pénitence, y voyant une béquille supplémentaire au salut pourtant déjà acquis en Jésus-Christ. Pour peu que vous vous intéressiez à l’histoire de l’Eglise, vous devriez avoir connaissance de ce chapitre de notre histoire commune. Le combat des réformateurs a donc été celui de la restauration du message de la croix au sein de l’Eglise de Jésus-Christ. La foi dès lors était à nouveau perçue comme le seul moyen de vivre la grâce pleinement manifestée à la croix du calvaire. Ce fut un triomphe du message de la grâce au sortir d’un moyen-âge enténébré par toutes sortes de croyances douteuses. Cinq siècles après le triomphe de la réforme, les principes cardinaux qui ont fait le Protestantisme sont à nouveau mis à rude épreuve. Au nombre de ces cinq principes, je choisis ici de mettre l’accent sur la sola gracia. Le but est de voir comment se porte le message de la grâce au 21e siècle de notre ère. 

Car la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes a été manifestée Tite 2v11. Le bien-aimé apôtre Paul nous présente ici le salut comme trouvant son origine dans la grâce du Dieu de la Bible. Nous dirions sans risque de nous tromper que le salut est par voie de conséquence de la même nature que sa source : la grâce. Or qu’est-ce que la grâce ? La réponse la plus élémentaire et qui pourtant est la plus juste nous dit qu’elle (la grâce) est la faveur imméritée de Dieu Ephésiens 2v8. A ce caractère immérité de la grâce s’ajoute un autre : l’antériorité. Par antériorité de la grâce, nous entendons que tout ce qui concerne notre salut a déjà été réglé encore une fois sur le bois du calvaire. Si les fractures et les misères humaines sont venues par le péché Genèse 3v17-19, leur éradication ne peut qu’être constatée que par le remède au péché : la croix de Jésus-Christ II Corinthiens 8v9. Par voie de conséquence, l’antériorité de la grâce implique une antériorité de la solution aux misères humaines. En termes claires, les solutions que nous cherchons aux fractures de notre existence ont précédé nos problèmes. Avant le besoin, Dieu a fait grâce de la provision. Et cette provision se trouve dans la perfection du salut de Jésus-Christ. L’antériorité de la grâce a donc précédé nos fractures. Voilà un message qui semble rassembler presque tout le monde sur le plan théorique. Mais dans les faits, différentes théologies s’affrontent sur la mise en pratique de la foi qui marche avec la grâce de Dieu. Il y a cet effet, une tendance, qui soutient sans l’affirmer qu’il faille compléter la nouvelle alliance par une série de contrats passés avec Dieu. 

Pour accéder à la grâce de Dieu et par voie de conséquence à ses bénédictions notamment matérielles, il faudrait activer une série de lois pour pousser Dieu à agir favorablement dans notre vie. La loi de la semence est à cet effet la plus évoquée. Dieu selon cette approche ferait grâce à la mesure de la semence que nous lui aurions apportée. Ce message aujourd’hui en vogue et qui ravit bien de croyants est à regarder de près, une entorse à la complétude et à l’antériorité de la grâce de Dieu. Il faut pour cela rappeler que la solution que Dieu donne aux fractures humaines est la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. Or sa personne a déjà été donnée et son œuvre déjà manifestée à perfection Jean 19v30. Il y a également à cet effet, une constante dans les épitres. Les apôtres considéraient l’œuvre de Jésus-Christ à la fois comme antérieures à leurs problèmes, mais aussi comme toutes suffisantes à leurs besoins Ephésiens 1v3. Considérant donc comme eux, l’antériorité et la perfection de la grâce de Dieu manifestée à notre égard, il n’y a aucune semence qui puisse provoquer la bénédiction de Dieu ; aucune loi mentale du succès que nous devrions pratiquer comme des mantras jusqu’à atteindre les greniers du Seigneur. Non ! Croire qu’à force de donner, nous finirions par provoquer la grâce de Dieu, c’est à la fois méconnaitre la profondeur de l’œuvre de la croix et être particulièrement prétentieux ; prétentieux de penser que notre spiritualité pourrait un jour impressionner le Dieu de toutes grâces. Lorsque nous finissons par comprendre que la grâce de Dieu a pourvu à tous nos problèmes avant même que nos difficultés se manifestent, nos prières ne sont plus des supplications, mais des actions de louange en toutes circonstances. Et mieux, lorsque nous saisons ce qu’est l’antériorité de la grâce, c’est avec joie et empressement que nous donnons nos offrandes et dîmes. Nous les donnons par reconnaissance à Dieu pour avoir pourvu à tous nos besoins avant qu’un seul d’entre eux ne se manifeste. Nous ne donnons plus pour soi-disant provoquer la bénédiction car il est illogique de provoquer ce qui a déjà été donné par amour.

A bien d’égard, l’antériorité et la complétude de la grâce mettent la foi chrétienne à rude épreuve. Mais justement la grâce a été donné pour confondre l’orgueil humain. Au regard donc de la marche actuelle de l’Eglise, nous n’exagérons pas en affirmant que le message de la grâce est mal interprété. Après un demi-millénaire de réforme, l’Eglise de notre temps devrait apprendre à se débarrasser des béquilles que les hommes joignent au salut. Car la grâce, source de laquelle jaillit notre salut est parfaite.  


10 novembre 2020

Abomey-Calavi, Bénin

Samuel GOHOUNGO

M/A Histoire des religions   



 


1 commentaire:

  1. Que Jésus-Christ illumine davantage ta lanterne! Demeure béni mon frère!

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