mardi 15 décembre 2020

L'Eglise: pour une vocation politique?

 


Il est communément soutenu dans les cercles protestants évangéliques que l’Église se doit de posséder les différents domaines d’influence de la société. On cite à cet effet différentes révélations que Dieu aurait communiqué à ses serviteurs au cours de ces derniers siècles. La politique, l’économie et les finances, les arts et la culture et j’en passe, sont des exemples de sphères d’influence que l’Église se doit de conquérir pour rechristianiser le monde. Pour ce faire, l'on propose des stratégies de conquête de ces fameuses sphères d’influence. En politique notamment, il s’agirait de proposer une philosophie chrétienne de gestion de la cité. C’est en somme, ce à quoi s’emploient les parties de droite européenne et américaine. Le très controversé Víctor Orban propose par exemple de recentrer l’Europe sur ses racines chrétiennes 1. Le militantisme parfois raciste aux relents de suprématiste blanc agité par Donal Trump ne s'est pas moins revendiqué des racines chrétiennes. Pour emboîter le pas aux partis politiques de droite européenne et américaine généralement conservatrice des valeurs chrétiennes, les chrétiens évangéliques se sont trouvés une vocation nouvelle : celle de conquérir les sommets du pouvoir et de conduire les destinées de la société selon les principes bibliques. Combien n’aurions-nous à gagner en influence sur le monde en ayant un chef d’État qui possède les dons du Saint-Esprit ? C’est ici, une belle construction ironique dont la vérité n'a pas encore été prouvée.

Certes, il y a eu dans l’histoire récente de l’humanité, des hommes et des femmes qui ont influencé des parlements entiers dans le but de voter des lois qui s’emboîtent dans le modèle biblique de gestion de la cité. Mais il est une chose de faire des lois dite chrétiennes. Il en est une autre des façonner des vies qui puissent les pratiquer. Et c’est justement là que nos efforts de rechristianisation du monde ont jusque-là montré leurs limites.

Nous avons beau oindre des sénateurs et des chefs d’États, leurs influences sur le monde selon les perspectives du Dieu de la Bible ne seront que de piètres résultats car en définitive, l’exercice politique en soi, n'a aucune vocation à convertir des âmes au salut de Jésus-Christ. Se sentir appelé en tant qu'individu à exercer le pouvoir politique est un fait possible mais tout à fait subjectif. Il restera à s'en convaincre à la mesure de la relation de chacun avec le Seigneur. Mais convaincre l’Église en tant qu'unique colonne de vérité en ce monde à s’accoupler au pouvoir temporel, c'est la faire dévier de sa trajectoire et lui donner une vocation qui n'est pas la sienne. Lorsqu'au quatrième siècle de notre ère, l’Église se vit passer des arènes de la persécution au palais impérial, elle perdit toute perspective de l’éternité, allant jusqu’à nier le règne millénaire de Jésus-Christ sur terre 2. L’Église devra donc éviter de se distraire avec de prétendues solutions politiques aux maux qui minent la société. Sa place est dans une séparation nette avec le pouvoir politique temporel. Et que l'on évite de citer les règnes des différents rois d’Israël pour se justifier de trouver à l’Église une vocation politique. Dans un premier temps, la royauté en Israël était contraire au plan initial de Dieu I Samuel 8v7. Et ensuite, même dans la gestion politique par défaut que revendiqua à Samuel, la descendance de Jacob, le modèle politique pratiqué était une pure théocratie basée sur la Bible hébraïque. Dieu était au centre des préoccupations des rois d’Israël parce qu'ils n’avaient de Dieu que YAHVE seul. Les modèles de comparaisons que nous essayons d’établir entre le régime politique en Israël et nos démocraties postmodernes laïcs souffre d'une absence évidente de parallélisme.

Toutefois, dans l’effort de gestion de la cité, il y a une place qui revient à l’Église. Autrement, la colonne de vérité que Dieu a institué ici-bas à un rôle de la plus haute importance. En effet, bien que séparé du l’appareil politique temporel, elle influence les modèles sociaux, non en exerçant un pouvoir politique à partir du haut, mais en suscitant un réveil à partir du bas. Oui. Il revient en effet à l’Église d’intercéder pour que Dieu envoie le feu du réveil. Là encore, il faut insister sur ce qu'ici nous entendons par réveil. Il ne s’agit pas comme on le voit dans l’Église postmoderne, de donner seulement à l’Évangile une place dans les média. Il ne s’agit pas non plus de faire de nos églises des labels de consommation et de nos pasteurs des star de Rock'and roll. Non. Il s’agit de choses plus profondes que celles-là. Il s’agit de susciter dans la prière, un souffle de repentance. Il s’agit de mettre à nouveau l’accent sur le péché et sur la réalité de l’enfer. Il s’agit de recentrer la croix de Jésus-Christ dans le message évangélique au détriment du message corrompu de la prospérité. Alors, le cœur de la société sera transformé. Les tavernes d’alcool se videront. Les prisons se fermeront. La droiture et l’équité seront à nouveau les maîtres mots dans le monde des affaires. L’éducation se rechristianisera et la culture dans son ensemble sera empreinte du message du Salut. Certains pourraient taxer nos propos d’utopique. À ceux là, nous laissons le souvenir des réveils qui nous ont précédés. Ils pourront juger par eux-mêmes la profonde influence qu'ils ont eue sur la société. Nous laissons à cet effet deux extraits de récits. Le premier nous est relaté par le revivaliste Charles Finney qui décrit un réveil produit dans la ville de New York en 1820. Le second est un aperçu de l’influence que le réveil du pays de Galles en 1904 eut sur la société. " Je voudrais dire un mot sur l'ESPRIT de PRIERE qui régnait à Rome (New.York.) pendant ce temps- là. La ville entière était en pleine prière : où que nous allions, si vous vous promenez, vous entendez une voix priante, si vous êtes dans la rue, vous apercevez deux ou trois chrétiens ensemble, rassemblés : ils prient. Où qu'ils se rencontrent, ils prient. Devant les magasins, ils prient. Partout où il y a un pécheur inconverti (et spécialement, s'il montre quelque opposition), vous trouverez immédiatement trois frères et sœurs pour prier avec lui, et en faire un sujet de prière. L'état de choses et l'atmosphère spirituelle de ce village était tels que personne ne pouvait y rentrer sans se sentir porté, avec l'impression que Dieu était présent d'une façon tout à fait particulière et merveilleuse 3.

"Il est difficile d'imaginer aujourd'hui l'impact de ce réveil dans le Pays de Galles. Des réunions de prières démarraient spontanément dans les mines, les usines, les magasins et les écoles. Les parcs d’attraction étaient saisis de la crainte de Dieu car des groupes d'évangélistes y œuvraient. Ces groupes s’étaient formés spontanément à cause de leur passion pour Jésus-Christ et de Son œuvre. Les hommes commandaient des boissons alcoolisées dans les tavernes et repartaient aussitôt sans y toucher à cause de la conviction de péché du Saint-Esprit. Le sport national, le football, perdit tout son attrait. Les vedettes se convertissaient et participaient à l'évangélisation de rue. Personne ne prêchait un message d’opposition ou de dénonciation, seul Jésus était prêché et ne laissait de place pour rien d'autre".

Les réveils qui nous ont précédés nous ont pour la plupart, laissé des modèles de société. Cela ne fait aucun doute.

14 décembre 2020

Samuel GOHOUNGO

M/A Histoire des religions

Références

1 https://www.euractiv.fr/section/politique/news/orban-pretend-defendre-les-chretiens-contre-limmigration/

2 Le Millénium : image ou réalité ? (pages 29-30) Charles Ryrie, Homer Payne

3 http://sentinellenehemie.free.fr/finney28.html

4  http://sentinellenehemie.free.fr/reveilgalles.html

 

 

 

 

 

1 commentaire:

  1. L'église (catholique) dans les siècles passés a bien eu des vocations politiques. Ça en était littéralement une ingérence dans la vie politique des royaumes et empires d'Europe si bien que les têtes couronnées d'antan, avaient besoin du soutien de l'église pour se lancer dans les conquêtes pour étendre leurs royaumes.

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